De Salariée à Freelance : une Transition à Mon Rythme – Interview

De Salariée à Freelance : une Transition à Mon Rythme – Interview

Cela fait 10 ans que Nadine est indépendante. Elle revient sur son parcours professionnel. Et plus précisément sur la phase de transition entre le salariat et son job en freelance. Sans opérer de reconversion professionnelle, Nadine nous raconte comment, petit à petit, elle est passée d’une vie professionnelle salariée à une activité de freelance. 

Anne-Claire QuenardelleNadine, bonjour. Peux-tu te présenter ?

Nadine – Bonjour, je suis Nadine Bentivenga, j’ai 56 ans, j’habite à Montpellier. J’étais responsable d’un pôle de formation continue et qualifiante au sein d’un important organisme de formation. Auparavant encore, j’étais chargée de l’ingénierie et de la qualité formation en organisme consulaire. J’ai commencé des missions ponctuelles indépendantes à l’âge de 42 ans pour aller progressivement vers une activité de freelance à temps complet à l’âge de 48 ans.

Aujourd’hui, mon métier est  consultante formatrice indépendante et gérante de ma société. 

Mon cœur de métier est essentiellement l’ingénierie formation. Je conçois et réalise des formations en milieu professionnel, ou bien j’interviens en conseil ou en audit.

Anne-Claire QuenardelleLa formation est donc vraiment le fil conducteur de ta vie professionnelle. Tu interviens dans tout secteur d’activité ou as-tu des secteurs de prédilection ? 

Nadine – Oui, j’interviens dans plusieurs secteurs d’activités, selon la conjoncture et les réseaux avec lesquels je travaille. Mais cela reste majoritairement l’agriculture, l’agro-alimentaire, le territoire et  l’environnement, c’est à dire les secteurs professionnels que j’avais visés dans mon choix  d’études, et auxquels je reste attachée. Occasionnellement, j’interviens en missions ponctuelles pour l’industrie et j’aime cela. 

Anne-Claire QuenardelleQuel a été le déclic pour opérer le passage du statut salarié au statut freelance ?

Nadine – Le tout tout premier déclic a été « Je quitte un boulot que j’aime ». Ça, c’était plusieurs années avant de passer totalement en freelance. J’ai démissionné de mon job de responsable de pôle formation pour suivre mon mari muté. Avec regrets. En me disant « Mince, je perds un job qui me correspondait bien ». Et dans le même temps, on m’a demandé si j’étais d’accord pour continuer à travailler ponctuellement : « Oui bien sûr ! ».  J’y voyais une transition professionnelle possible, une continuité avec mes anciennes missions, et une activité temporaire me permettant d’organiser le changement de vie pour la famille et notre installation dans cette région nouvelle. 

Anne-Claire Quenardelle Tu as retrouvé un emploi salarié rapidement dans la nouvelle région ? 

Nadine – Pas tout de suite. Je suis restée un an à travailler en pointillés, cela m’a donné le temps de tout gérer dans notre nouvelle vie, d’installer les bases d’un nouvel équilibre familial et social. Je gardais un œil sur le marché de l’emploi. Ma motivation était de m’intégrer dans cette nouvelle région, et je sentais que sans vie professionnelle salariée, ce serait compliqué. Mes missions temporaires ne m’assuraient pas un salaire régulier non plus. 

Anne-Claire QuenardelleTu as alors recherché un emploi ?

Nadine – Oui et j’ai trouvé très rapidement. Par contre là, j’ai tout de suite senti qu’il fallait que je réfléchisse à ce que je voulais vraiment faire. Et dès l’entretien de recrutement, j’ai fait part de mon activité en free-lance. « J’ai des missions de travail temporaires, j’y tiens, vous me prenez avec cela en temps partiel 80 %, ou vous ne me prenez pas. ». J’ai bien sûr rassuré l’employeur sur ma vigilance et mon engagement à ce qu’il n’y ai pas de conflit d’intérêt. Et j’ai été embauchée.

Les déclics à l’origine du passage de salariée à freelance

Anne-Claire QuenardelleAu final, quel a été le déclic pour passer à l’indépendance complète ? 

Nadine – Le premier déclic… les missions occasionnelles sont devenues plus fréquentes !

Les premières ont bien fonctionné. Je me suis dit « Waouh ! Tu es capable de travailler construire gérer toute seule, tu sais te vendre, tu sais t’adapter à tes clients. » Je me suis rendue compte que je savais bien écouter une demande client, la transcrire, la réaliser et bien l’évaluer après.  J’ai pris conscience que j’avais la possibilité de concevoir et réaliser seule des prestations.

Anne-Claire QuenardelleCette phase de transition professionnelle t’as permis de gagner confiance en toi et de te rassurer par rapport à tes capacités à aller vers l’indépendance

Nadine – Tout à fait. Et donc, durant 3-4 ans où j’ai cumulé mon nouveau poste salarié et les missions freelance, je ne me suis pas posée de questions. Je mettais tout en œuvre pour que cela marche sur mes deux métiers. Pas de négligence pour mes missions pour l’entreprise qui me salariait, pas de négligence pour ma petite entreprise en train de grandir. Côté freelance, je me suis aussi rapidement positionnée en demande de missions, alors qu’auparavant, j’attendais qu’on me propose des contrats d’intervention. J’avais confiance en moi, cela marchait assez bien, j’aimais ça , j’y prenais du plaisir. 

Anne-Claire QuenardelleQuand tu dis j’aimais çà, à quoi correspond t-il le « çà » exactement ?

Nadine – Le « çà » c’est par exemple, dans le cadre d’une commande, être libre dans la conception, être force de proposition. Autre chose qui me plaisait, c’est « aller au bout », jusqu’à la réalisation de la demande et son évaluation. Dans l’espace qu’on me donne, j’ai quartier libre. Et cette liberté et cette autonomie, j’ai tout de suite ressenti des forces nouvelles en moi, que je n’avais pas vécues jusque-là dans ma vie professionnelle salariée.

Anne-Claire QuenardelleQuand tu parles de ressenti, cela se manifestait comment ?

Nadine – Ce que je ressentais, c’était de l’énergie. J’ai compris que j’avais de la ressource qui ne demandait qu’à être travaillée. Chaque fois que j’élaborais des propositions, les clients me suivaient et cela fonctionnait. Cela m’a permis de me dire « Tu peux aller plus loin ! ». 

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Anne-Claire QuenardelleEst-ce que tu as identifié un autre déclic ou un autre fait déclencheur ?

Nadine – Oui, la mise en place du statut d’auto-entrepreneur en 2009. Chaque mission occasionnelle se réalisait sous forme de CDD de quelques jours avant l’existence de ce statut. Lorsque l’auto-entreprise est sortie, là je me suis dit « J’y vais ». 

Anne-Claire QuenardelleDonc tu as créé ton autoentreprise en étant encore salariée. Comment as-tu géré cette double vie professionnelle ?

Nadine – La charge de travail est vite devenue incompatible. Plus je proposais, plus je développais mon activité professionnelle indépendante, plus cela fonctionnait. J’arrivais aussi à fidéliser mes clients. Cela m’a permis de dire « Cela se passe bien, tes clients sont satisfaits. Pourquoi ne pas franchir  le cap de quitter mon job salarié et être à plein temps sur mon activité indépendante ? ». J’ai pas mal hésité quand même. 

Mon mari ne cessait de me dire « Tu as un potentiel devant toi et tu te fais plaisir.». Il me renvoyait ce que j’avais du mal à voir. Je m’épanouissais de plus en plus dans mes activités freelance et mon plaisir dans le salariat baissait. Cette baisse de motivation était liée à des conditions d’exercice de mon métier peu satisfaisantes pour moi : rémunération peu valorisante pour l’investissement temps passé,  prises de décisions dans l’entreprise employeur qui ne me convenaient pas. Cela devenait terrible aussi en charge de travail, même après avoir obtenu de mon employeur de réduire mon temps de travail. Et est arrivé le moment « J’ai un choix à faire ».

De salariée à freelance : le nécessaire temps de la réflexion

Anne-Claire QuenardelleEt alors qu’as-tu fait ?

Nadine – J’ai tout passé en revue : les avantages, les inconvénients, les aléas possibles…. Mon mari ne comprenait pas mes hésitations. Il ne cessait de me  dire « Pourquoi tu n’y vas pas ? Cela te tend les bras. Vas-y ». 

Avec le recul,  peut-être ai-je été trop prudente. J’ai pris une bonne année de réflexion. J’ai franchi le cap tout doucement, sans brusquer, sans me brusquer non plus. La période juste avant la décision, j’ai terriblement souffert, à cause de la charge de travail. J’étais extrêmement fatiguée. Et en même temps, je ne regrette pas : je suis allée au bout de tout ce j’ai entrepris, je n’ai rien négligé ni dans le salariat, ni dans le freelance. J’ai quitté mon travail salarié, contente de ce que j’y avais construit et partagé. 

Anne-Claire QuenardelleEst-ce qu’il y a d’autres personnes qui ont compté dans ton entourage pour prendre la décision?

Nadine – Les clients. Je ne parlais pas de cela avec eux, mais ils me renvoyaient du positif sur les prestations que je réalisais pour eux. J’ai commencé à diversifier ma clientèle et cela a marché. J’étais consciente d’avoir un espace devant moi, possible mais pas gagné d’avance :  « Tu as un savoir-faire qui peut intéresser d’autres acteurs. Tu n’as plus qu’à prendre ton bâton de pèlerin et y aller ». 

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Anne-Claire QuenardelleQu’as-tu découvert sur toi-même à travers ces années-là ?

Nadine – Ma capacité à faire seule, à proposer, à entreprendre. J’ai appris aussi à gommer des peurs, des craintes, des manques de  confiance en soi. Sans excès, la trop grande confiance en soi serait un terrible ennemi. J’étais bien consciente aussi qu’au delà de la liberté intellectuelle et de mon bonheur d’être indépendante, la nécessité de toujours aller chercher ses activités est toujours là. J’y pense tout le temps.

Il y a eu une année difficile, où mon activité a été très basse. Cela a été une alerte utile. Pour bien prêter attention à raisonner mes choix, anticiper mes décisions, travailler mes prestations, m’informer en permanence et me former aussi. Cette année creuse au final m’a aidé. Je me suis rendue compte que rien n’est gagné d’avance et qu’en tant que chef d’entreprise, j’ai une tranquillité d’esprit moins confortable qu’en étant salariée. 

Etre seule et indépendante est une force, mais peut aussi devenir un danger. Travailler avec des partenaires, s’intégrer dans des réseaux, confronter ses points de vue, échanger et collaborer avec d’autres personnes du même métier, c’est précieux. Pour ne jamais cesser de se remettre en question sur ses projets, ses choix, ses visions, ses méthodes …

Anne-Claire QuenardelleSi tu avais un conseil, lequel serait-ce ?

Nadine – La première chose qui me vient à l’esprit, c’est vraiment de bien identifier ses compétences, le socle sur lequel on s’installe. 

A mes yeux, c’est une voie qui rend libre. Et en même temps qui est source de préoccupations. Je suis libre dans ma créativité, dans mes initiatives, dans mes choix. Et en même temps, je suis très contrainte par un ensemble de facteurs que je n’avais pas à gérer quand j’étais salariée. Economiquement, dès que j’ai des résultats, j’ai la prudence d’épargner. Ainsi, je suis plus sereine face à une année mauvaise, ou au risque d’être immobilisée  par un souci de santé . Ce ne doit pas être la catastrophe. Je vivrai sur l’argent mis de côté et rien ne m’arrêtera pour autant. La gestion, c’est très important. Même si ce n’est pas le centre d’intérêt prioritaire. Et il faut savoir s’entourer des bons partenaires.

On est fragilisé économiquement en étant indépendant, il faut gérer le risque et l’accepter. Gérer, de façon prévisionnelle, anticiper, c’est ma façon de voir les choses. 

Merci Nadine pour ce précieux témoignage. Tu nous montres bien que qu’un passage de salariée à free-lance peut se faire progressivement, à son rythme, en prenant le temps de la réflexion.

Vous avez envie de travailler avec Nadine. Vous trouverez toutes les informations sur son site NBFormation

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